Le bourg de Sarzeau à l'époque de Anne de Bretagne

            Le Bourg de Sarzeau à l'époque d'Anne de Bretagne

Nous avons évoqué dans les précédents bulletins les quartiers (appelés autrefois frairies) de Saint-Jacques, Brillac et Saint-Martin du Ruault. La frairie de Sarzeau comprenait principalement le bourg au nord (sous la Grée jusqu'à Truscat non  non compris) et à l'est (les deux Pâtis).
Le rentier de Rhuys, fait à la demande d'Anne de Bretagne en 1510, donne une vue assez précise du bourg qui est étudié maison par maison. Nous pouvons donc en faire une esquisse (schéma ci-dessous) assez proche de la réalité.

Tout autour de l'église romane (au clocher placé au-dessus de la croisée du transept) se trouvait le cimetière. Le plan des rues était le même qu'aujourd'hui, mis à part le fait que la place Marie Le Franc était le jardin de Christophe Truscat, la place Richemont était en partie occupée par un cimetière et un gros orme (l'arbre à Bannies (1)). Une sorte de place existait également à l'endroit de l'hôtel de ville actuel (2).

 Etienne de Francheville, gouverneur de Suscinio, est propriétaire du pâté de maisons avec jardin et écuries (l'actuelle quincaillerie ruelle Cavalin). Sa maison, face à l'église, est peut-être celle où est né Arthur de Richemont (restaurant le Connétable). Jehanne Michel, veuve Ménart, occupe la maison avec tourelle qui fut au XVe siècle la propriété de Jehan Auffret, receveur de Rhuys. C'est sans doute l'une des plus anciennes maisons de Sarzeau car on signale un Auffret dès 1407. Juste à côté, rue Roperdic (aujourd'hui rue du Maréchal Foch), on trouve les deux maisons de Jamet et Jamette Tilly, suivies de celles de Perrine Estiennot. La maison de François Nicon fait le coin de l'actuelle place Lesage (Bar PMU) à côté de celle du prêtre Dom Yves Bremelin (agence immobilière). En face, près du cimetière, réside Jean Jocet qui a obtenu cette maison de sa femme Catherine Maubec, fille du seigneur de Truscat. Nous sommes là au début de la rue Becherel (actuelle rue Saint-Vincent).

L'emplacement de la poste est possédé par un autre prêtre, Dom Jean Dréan. Les trois maisons qui longent l'actuelle mairie sont occupées par les familles Le Vaillant, Salmon et Roux (qui donnera plus tard son nom à cette rue). Eon Oliviero, au seuil de la future rue Bonable (nom du XVIIe), possède l'emplacement du futur bar. Toutes les maisons du croquis ont leur toit en ardoises. Ce n'est pas le cas dans d'autres rues. Le fait que les maisons soient en pierre ou à colombages n'est pas signalé dans le rentier mais ce mode de construction était déjà courant en 1510 et Sarzeau devait en posséder mais on comprend facilement qu'elles n'aient pas tenu cinq siècles (3).

                                                                       Pierre Beunon

(1) On y lisait les bans.
(2) On construira les halles à cet endroit vers 1600.
(3) Vannes en a gardé seulement 35 de cette époque sur 180 au total.

Sources :
Travaux inédits de l'association "La Maison Forte" pour un ouvrage à paraître en 2012 sur "Rhuys en 1510".

Nous avons vu dans le dernier bulletin le centre et le nord du bourg de Sarzeau. Nous regardons maintenant vers l'ouest où se trouvent les rues de la Fontaine (aujourd'hui rue du Général Leclerc) et du Marcheix (rue du Général de Gaulle). Toutes deux se rejoignaient -- comme aujourd'hui -- devant l'église. Si le système routier n'a pas changé, on verra sur le dessin qu'il n'en est pas de même au niveau du territoire bâti.

Rue de la Fontaine : un quartier fréquenté

En 1950, on ne trouve pas de nom de place (en dehors du « placis du cimetière » - actuelle mairie). C'est pourquoi la place devant l'église, qui avait un puits jusqu'au début du XXe siècle, est considérée comme la continuité de la rue de la Fontaine. En 1510, on y trouve les propriétés de quelques notables :

Maître Jehan Mahé qui est probablement l'ancêtre de l'écrivain A.R. Lesage (boulangerie au coin de la rue Bonable, à l'est). Jehan Salmon (pâtisserie Cartron). Georges Cambout et Olive Le Vaillant (agence immobilière).

La rue Bonable est qualifiée de « chemin » et c'est un prêtre, dom Alain Le Gurun, qui est propriétaire de la maison à tourelle où vivra plus tard la famille Bonnabes.

La rue de la Fontaine, très fréquentée au Moyen Age du fait qu'elle conduisait à un élément essentiel de la vie quotidienne (fontaine mais aussi probablement lavoir), comportait un certain nombre de maisons couvertes de rox (roseaux) mais aussi de glé (paille de seigle). La maison la plus à l'ouest était celle d'André Juhel qui possédait le grand verger au nord (aujourd'hui résidence et parking).

A côté de la fontaine, la belle maison de Jehan Droillard, seigneur de Kerlin, se faisait remarquer par son pressoir. Un chemin derrière la fontaine permettait de rejoindre la croix Laurens et le marché.

Rue du Marché : un couvent et un manoir

Le début de la rue du Marché s'appellera à l'époque moderne rue de la Trinité. Et cela à juste titre car les trinitaires - dont le couvent avait été créé en 1341 - ne s'étaient pas contentés du côté sud de la rue (où l'on voit encore aujourd'hui, venelle des Trinitaires, les traces d'un vitrail). Au nord, ils avaient racheté une grosse maison (aujourd'hui la Taverne et le Crédit Maritime) et les jardins qui couvraient les deux-tiers de l'îlot entre les deux rues.

Arrivé au beau manoir de la famille de Begasson (aujourd'hui Kervillard), on retrouvait des maisons jusqu'à la croix Laurens (Kerthomas) mais uniquement côté nord. Au seuil de la rue, la maison, après la sente de Toulpichon, appartenait encore à Thébaud Le Saster, ministre de la Trinité. Le couvent a disparu (sauf la petite chapelle) mais le manoir est toujours là. C'est un bel élément du patrimoine sarzeautin même si le rehaussement de la tour et le crépi blanc ont changé un peu son aspect d'origine.

On notera, pour finir, que la petite maison au premier plan, proche du puits, est toujours existante avec sa grosse cheminée très caractéristique (aujourd'hui magasin d'antiquités).

 

                                                                                    Pierre BEUNON

© 2019