Le Terrier de Rhuys
En 1680, la Cour s'installe dans un
château de Versailles en chantier. Louis XIV agrandit son royaume à l'est
(Flandre, Artois, Franche Comté) mais n'oublie pas pour autant la France.
C'est un roi administrateur. Il fait dresser un état de tous les fiefs et
particulièrement de son domaine propre. Rhuys, autrefois domaine personnel
des ducs de Bretagne, est depuis 1532 domaine Royal. Les arpenteurs Jules LE
BIGOT et Jean BACONNIERES, arpenteurs à Fougères - donc francophones - sont
chargés de mesurer toutes les parcelles de Rhuys. Ils travaillent en terre
bretonne et déforment parfois des noms de famille ou de lieu mais, dans
l'ensemble, ce « CADASTRE ÉCRIT » (il n'a malheureusement
jamais été mis en carte avant aujourd'hui) est une œuvre remarquable
étant donnés les moyens de l'époque.
Dans la frairie du TOUR DU PARC qui
vient de se détacher de celle de PENVINS, le village de PENCADENIC est sans doute
le plus peuplé ; la raison en est simple : c'est à cet endroit que la
population a osé franchir le mur du GRAND PARC DE RHUYS sérieusement
endommagé par les assauts de la mer. C'est donc par ce village que nous
allons commencer notre découverte du TOUR DU PARC sous le ROI-SOLEIL.
Des chemins, des sentes et des "
Tenues "
- 2 chemins : l'un vers
Sarzeau, l'autre vers la mer (toujours existants).
- 2 sentes : une « qui
conduit du village de PENCADENICQ à la pointe de la coste » au sud et une «
qui conduit DANS LA POINTE DE LA MER » au nord. (Elles ont toutes les deux
disparu. La rue de l'Etier au nord et l'impasse de BECANIC au sud en sont des
vestiges).

On ne parlait pas de parcelles mais de «
tenues ». Ces terres qui sont des sortes de « petits fiefs » portent le
nom d'un propriétaire ancien. Une tenue peut être éclatée en plusieurs
parcelles plus ou moins distantes les unes des autres mais portant le même
nom.
A Pencadénic, dans la zone construite,
on trouve les « tenues » suivantes :
1 - OB - Olivier LE BIHAN (tenue
déjà mentionnée en 1510). Ce sont les maisons de la place Henri de Maluquer.
Les propriétaires sont les familles : BOURBON, HAROT*,
HUGUET, LE GOURMELLEC *, TALHOUARN*, LE MOLGAT*,
LE NORMAND*.
2 - IM - « La terre à
LE MOULINAIR » (tenue déjà mentionnée en 1510). Ce sont les
maisons proches de la rue Marie Le Franc. Les propriétaires sont les familles
: BOURBON, GODEC*, PICARD, LE GOURMELLEC*, LE
GOUEFF*.
3 - H - HAMON (famille
déjà mentionnée en 1500 dans la tenue « PASQUELOT ». Ce sont
les maisons proches de l'impasse de la Vieille Poste. Les propriétaires sont
les familles : LE PESQUAIRE, FRAVAL*, TALHOUARN *,
BOURBON.
4 - KERBIHANER
Ce sont les maisons de l'impasse de
Kervaniet (le seul toponyme qui a résisté au temps). Les propriétaires sont
les familles : HUGUET, BERTHE*, BOURBON.
5 - LP - LORANCE PIRON
Cette tenue est plus difficile à placer.
Elle était entre Kervaniet et le marais. Les propriétaires étaient les familles
: LE PAVEC*, LE GODEC*, PIRON*, BOURBON.
On remarque que, dans les quatre tenues
qui portent le nom d'une famille, ce nom a disparu en 1682 pour LE MOULINAIR
et HEMON mais il s'est conservé dans la tenue LE BIHAN (BOURDON
vient en effet d'un Jehan LE BIHAN dit BOURBON) et dans la
tenue « PIRON ».
Sans aller jusqu'à dire que ce sont tous
des descendants des familles citées au XVIIe, on peut estimer
qu'il y a de grandes chances que la majorité de ces familles a perduré. Seule
une étude généalogique sur trois siècles (cela est très possible) donnerait
une réponse irréfutable.

Pour dresser la carte
ci-dessus, il a fallu s'aider du cadastre Napoléonien (1827) au niveau des
habitations, de certaines limites de parcelles et du type de culture, le
terrier donnant le nom des tenues et leur dimension (qu'il a fallu recalculer
sur le cadastre Napoléonien).
(*) Parmi tous ces noms, on trouve
toujours en 2011 au TOUR DU PARC des : LE BERT, LE GOUEFF,
LE GROUMELLEC, LE MOLGAT, LE PAVEC, PERON,
TALHOUARNE et à SARZEAU des FRAVAL, LE GODEC,
NORMAND, MAROT.
Déjà des raz de marée !
À propos du « prastau de
PENCADENIQ » qui se trouve au début de la « route de l'Huître », le
terrier donne une information intéressante : « un espace de terre nommé le
prastau de Pencadeniq que la mer couvre... ».
Comme ce plateau se trouve à l'endroit où la terre forme une sorte d'isthme
entre les deux zones de marais, on peut en conclure que Pencadénic était
parfois séparé du continent à cette époque.
Nous avons eu encore un exemple de ce recouvrement en 2008. On voit bien que
le fait n'est pas nouveau et qu'il se reproduira certainement. Néanmoins, il
était sans doute plus fréquent au XVIIe siècle car les arpenteurs
le présentent comme un phénomène habituel.
Pierre BEUNON
Article paru dans le Bulletin Municipal
de Le Tour-du-Parc, n° 5 de Décembre 201
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