Cet atelier a pour
but de collecter auprès des ainés des documents oraux sur leur vie et sur ce
qu’ils auront connu et côtoyé.
Exemple de mémoire
vivante: Fernande LOTODE - CAVALIN née le
14 octobre 1923
à BANASTERE.
Je suis née à Banastère dans la
ferme de mes parents ( Mathurin et Anne Marie ) CAVALIN , 2 ° d’une fratrie de 3 enfants .La ferme était située en haut du village ,
en face de la ferme des THEBAUT . Mes grands parents CAVALIN et PIRO
habitaient le village , ils étaient
aussi agriculteurs . On dit que mes ancêtres CAVALIN venaient de GUERANDE , ils
étaient paludiers , il est vrai qu’à Banastère il y avait
autrefois des marais salants .Je n’ai pas de photos d’eux ,mes parents n’en ont jamais eu .
La vie
à la ferme était simple et malgré les difficultés je garde le souvenir de
moments chaleureux .
La
maison d’habitation était séparée en deux , d’un coté la pièce commune de
l’autre l’écurie . Dans la pièce commune il y avait des lits clos avec des
coffres, une table près de la fenêtre ,
des bancs , deux armoires , une grande
cheminée . Le sol était en terre battue , nous allions chercher l’eau à la
fontaine au centre du village . En réalité il y avait 2 fontaines l‘une pour
l’eau utilisée dans les maisons ,l‘autre pour les bêtes avec un abreuvoir en
pierre . Cette dernière existe toujours ,l‘autre a été démolie par un camion
.La lessive se faisait à la main au poul (lavoir ) qui se trouvait à coté des fontaines . On s’éclairait à la lampe à pétrole , et
avec une lampe tempête à l’écurie , il y avait d’ailleurs un clou à l’entrée
pour accrocher la lampe . Les petits enfants dormaient dans des berceaux posés
sur les coffres des lits clos . Le linge et les vêtements étaient rangés dans
les coffres et les armoires . Les anciens allaient aux toilettes dans la nature
, après il y a eu les toilettes au fond du jardin .
Les
repas étaient préparés avec les produits de la ferme , les légumes , le lait ,
le beurre , les poules et les lapins .On tuait le cochon , certains morceaux de viande étaient mis
dans le charnier , avec le reste on faisait du pâté , des saucisses , du boudin
, des « crasons » , le tout était cuit soit dans le four banal
soit chez le boulanger . Le soir on mangeait
souvent de la soupe de lard et des laitages . Les cochons étaient
nourris avec des pommes de terre , de l’orge , du son arrosé de bas beurre . On
nettoyait les boyaux à la côte avant de les remplir de chair à saucisse . Toute la maisonnée
participait à la préparation
Quand
mon père avait un peu de temps ou pour les grandes marées il pêchait des
congres , des homards et on ramassait
des berniques , des moules , des huîtres , des palourdes . Les repas se
prenaient à 12h et à 19h ou 20 h à l’heure solaire . Après le repas l’hiver on
restait au coin du feu , on tricotait , on discutait , pas très tard car tout
le monde était fatigué par les travaux de la journée . A Noël avant de se
coucher mon père prenait une bûche , faisait sur le dessus un signe de croix ,
mettait de l’eau bénite , et tout en récitant une sorte de prière faisait le
tour de la pièce en cognant la bûche contre les meubles .La bûche était ensuite
mise dans le feu . Le lendemain nous avions en guise de présent une belle
orange chose rare à cette époque !
Le
boulanger passait plusieurs fois par semaine , on achetait des pains de 12
livres , plus tard des pains de 6 livres , qui se conservaient longtemps .
Dans
le village il y avait une épicerie -café -ferme appartenant à la famille MAHE ,
en face de la fontaine on y vendait aussi des sabots , on y trouvait le journal « les nouvelles du
Morbihan »
Comme
il y avait un phonographe , le dimanche
après midi on dansait dans la cour de ferme .
Toute
la semaine nous portions des sabots , les souliers étaient réservés aux
dimanches et fêtes . Comme nous avions
des moutons , ma mère filait la laine qui servait à confectionner des
chaussettes et des pulls .
Chaque
ferme avait ses pommiers et fabriquait son cidre ,environ 3 à 4 barriques . La
plupart possédait des vignes et
cultivaient le Noah et l’Oberlin .Les vendanges étaient l’occasion de faire la
fête . Dans le village il y avait des pressoirs ( le père Thébaut , Louis Piro , Mr Séguy , Louis
Cavalin ) Petit à petit les vignes ont été arrachées .
Il y
avait le forgeron Joseph Le Gouëff , sa forge était au centre du village . Les travaux des champs et les transports se faisaient avec les chevaux parfois les
bœufs, chaque ferme possédait un cheval
.
Il y
avait beaucoup de travail à la ferme , toutes les saisons , en plus de ses
terres mon père cultivait les terres du marquis de Gouvello . Outre les travaux
des champs il fallait s’occuper des bêtes ( nous avions 15 vaches ) , les
amener paître , les traire , changer la litière .Dans les prés il fallait
surveiller les vaches en été car les couleuvres venaient sucer jusqu’au sang
les pis des vaches ,j’en avais peur , cela m’a marqué . C’est étrange mais
quand la traite s’est fait avec des trayeuses les couleuvres ne se sont plus
manifestées
Nous
mangions de bons produits cultivés avec des engrais naturels : le goëmon et le
fumier des bêtes . Je me souviens d’avoir vu mes parents couper le blé à la
faucille , les enfants aidaient . Après il a eu la faucheuse tirée par le cheval puis la lieuse et la
machine à battre , cette dernière venait du Loir et Cher . C’était dur mais
tout le monde s’entraidait et après c’était la fête . Je me rappelle avoir vu
battre le blé au fléau ( 2 morceaux de bois réunis par des lanières de cuir ).
On étendait de la bouse de vaches sur l’aire à battre ,on la laissait
sécher puis le blé était étalé et battu
. Il arrivait que la bouse séchée soit récupérée pour faire du feu .Avez vous
remarqué que les nids d’hirondelles ne tiennent plus comme avant , c’est
qu’elles n’ont plus de bouse pour consolider les brindilles qu’elles ramassent
!
Mes
parents avaient un domestique François Vixel , il était de l’assistance , il
avait été gagé vers 14 ans ,il est resté jusqu’à ses 20 ans . Il s’est ensuite
engagé dans la marine . Mon père nous demandait d’être respectueux envers lui .
On
n’avait pas beaucoup d’argent à cette époque juste la vente des bêtes , ma mère le cachait dans les piles de drap
dans l’armoire .
On
s’occupait aussi des grands parents , j’allais parfois apporter café et tartines à mon grand-père Piro que
j’aimais beaucoup , il était très gentil
Je
suis allée à l’école à Penvins dans la maison Berthe située derrière la Mairie
, c’était une maison particulière . L’école des garçons était dans la maison à
la place du Bar de RHUYS je n’ai pas été
dans l’école neuve construite en
et
pourtant j’y suis restée jusqu’à 12- 13 ans .Il y avait chez les filles 3
divisions ,j’avais comme maîtres Me et Mr Merlet . Nous allions à pieds par le
chemin et parfois en passant dans les champs . L’hiver nous allions par les
quatre chemins ,nous revenions manger le midi parfois nous amenions notre repas
. Nous avions des encriers ,les filles avaient les cahiers dans un cabas les
garçons dans une musette . La classe était chauffée par un poêle allumé par les
élèves , chacun à son tour .On chauffait au charbon .
Mon
père avait été à l’école à Le Tour du
Parc car il n’y en avait pas à Penvins
Tous
les dimanches nous allions à la messe à Penvins, l’hiver nous mettions les
chaussures à l’entrée du village car les chemins étaient plutôt en mauvais état
. La communion était faite à SARZEAU le jeudi,
la retraite s’y préparait avant pendant 3 jours , mon père venait parfois
nous amener en char à bancs sinon nous faisions la route à pieds . Il y a eu
une chapelle autrefois à Banastère mais elle était tombée en ruine , à la place il y a l’oratoire de STe Anne
,une chapelle très ancienne mon père ne l‘a pas connue. Les pierres de cette
chapelle ont servi à la construction du mur du cimetière et de la Mairie de
Penvins
Heureusement
il y avait les fêtes , on s’amusait beaucoup à Banastère . Le 14 juillet il y
avait les courses à l’œuf , en sac , avec les brouettes c’était gai .Après
quand il y a eu la colonie on faisait des feux le soir on dansait autour du feu , chacun
amenait un peu de bois .A Penvins ils ne
faisaient rien alors ils venaient s’amuser à Banastère . Pour la fête de la STe Anne la procession partait de
la côte jusqu’à l’oratoire , la rue était décorée par les enfants , on portait
les reliques .
Pour
les mariages on tuait des bêtes , c’était des mariages de 100 à 200 personnes .
Le lundi on installait les tables dans le champs , le mardi avait lieu le
mariage , le mercredi on rangeait . Les plats étaient préparés dans de grandes
marmites , de la soupe , du ragoût .
Quand
une personne décédait on veillait le mort pendant 2 jours . Les gens venait
rendre une visite . Il y avait un repas à minuit pour ceux qui faisaient la
nuit . Le père Thébaut mettait le cercueil dans son char à banc le cortège
allait à pieds à Penvins
On
n’allait jamais en vacances , nous accompagnions parfois mon père à Sarzeau ou
à Vannes pour les foires . A Sarzeau la foire avait lieu au Bindo pour les
cochons , Place du champs de foire pour les vaches . Nous achetions les tissus
chez Sommer ,la quincaillerie chez Pelletier . Nous allions voir le Docteur
Selou en cas de maladies graves seulement .
A mon
tour j’ai élevé 5 enfants et je me suis occupée de mes 8 petits enfants ,je les
gardaient pendant les vacances quand les parents travaillaient , ils en gardent
d’ailleurs un bon souvenir . J’ai bénéficié d’un peu plus de confort au fil du
temps .
Enregistrement
du 10/06/2008 .