Patrimoine par les chemins

Atelier patrimoine de Rhuys par les chemins : Responsables Pierre Beunon, Annie Derhan, André et Jacqueline Bourdet.

 

Nous avons déjà testé 8 circuits. Il en reste encore quelques-uns à parcourir avant de se lancer dans l’édition d’un fascicule. Pierre Beunon a réduit le kilométrage et le temps de chaque circuit ce qui satisfait une grande partie des participants

 

A titre d’exemple,

 

LES SORTIES « RHUYS PAR LES CHEMINS »

 

Vous proposent :

 

SORTIE : LANDREZAC- PENVINS

 

18 août 2014 matin

 

Où l'on teste un chemin nouvellement réhabilité

 

Par où passaient les habitants du quartier de Landrezac pour aller à Penvins ? Ils traversaient le sud du Grand Parc par un chemin qui a peu à peu disparu au xxe siècle. La mairie de Sarzeau l'a réhabilité en 2013 et les 12 marcheurs de La Maison Forte en firent la découverte par cette belle matinée d'été. Le retour de Penvins à Landrezac par le GR 34 fut plus difficile. Il est certainement plus intéressant de longer la mer lorsque la marée le permet.

 

 

CIRCUIT N° 5 : LANDREZAC – PENVINS

(Environ 12 km)

 

Ce circuit fait découvrir deux vieux quartiers de Sarzeau (appelés autrefois frairies) dont l'histoire a été très influencée par la présence du château de Suscinio et du Grand Parc. Landrezac n'a pas de centre religieux connu. C'était peut-être, jusqu'au xive siècle, la chapelle hors les murs de Suscinio. Vers le xvie, Landrezac a été rattaché à Penvins qui avait un centre religieux dès le xiie siècle.

 

 

circuit Landrezac Penvins

 

LANDREZAC

 

On remonte du parking (près de la plage) vers le centre de Landrezac. Ce toponyme, que l'on rencontre aussi à Damgan, est sans doute d'origine gauloise. Il n'est pas exclu qu'une villa gallo-romaine se soit installée sur cette hauteur tant la situation face à la mer est intéressante. Pour l'instant les seules tuiles romaines trouvées dans les parages l'ont été à 1 km au nord-ouest près du château d'eau.

 

 

fontaine rénovéeAu croisement, en haut de la côte, en face d'une fontaine rénovée, se trouvent deux vieilles maisons que l'on peut dater du xvie siècle. On prend à gauche la rue Blein Raz. Arrivés à hauteur du n° 17, il est intéressant d'aller admirer le point de vue sur la plage de Suscinio dont nous bénéficions grâce à l'altitude de 29 m à cet endroit. Les Allemands en 1940 avaient déjà remarqué cette situation exceptionnelle...

 

 

Nous rejoignons, à gauche, par la rue Prad Bransial le village de La Saline déjà signalé en 1500 et qui dominait, au sud, le clos de La Saline et les marais salants appartenant à la famille GIBON du GRISSO. Seuls les nobles avaient le droit de posséder des marais salants.

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Arrivés à La Saline, on prend à droite la rue Uniec Matilin (uniec = vigne) qui nous mène à Coët Na Mour (bois près de la mer) où l'on peut voir encore quelques vieilles maisons. Si nous allions un peu plus au nord, nous trouverions le village de Kerbiguiot (autrefois tenue COURANGE). Nous ne sommes qu'à 300 m à l'est du moulin à vent de Suscinio qui n'existe plus mais qui a laissé son nom à une grande parcelle.

 

 

 

IMG_6094Redescendons vers Kerbirio (village des Pirio) qui, lui aussi, existait à la fin du Moyen Âge. Nous tournons à gauche dans le chemin de Kerhuelon (déformation de Kergouellon = village des GOUELLON). On ne retrouve plus ce vieux village mais nous voyons que toute cette zone était très habitée. Sur la droite, à hauteur du n° 34, un mur restauré descend dans la vallée ; c'est le Mur du Roy, on en retrouve quelques vestiges plus au nord dans l'impasse Toul Bihan. 

 

 

 

 

LE GRAND PARC ET LA COUR DE PENVINS

 

Nous venons donc d'entrer dans le Grand Parc de Rhuys. Nous avons quitté le quartier de Landrezac et nous ne rencontrerons plus de maison ancienne avant le bourg de Penvins.

 

Il y aura pourtant une exception sur notre gauche après que nous ayons rejoint la route du Rial Vraz : c'est le pavillon de La Cour. On peut le distinguer à travers les arbres, au bord d'une prairie. C'est un pavillon de chasse construit en 1860 par Amédée de Francheville sur les ruines d'un manoir existant au XVIIe siècle. Le père d'Amédée, le député Gabriel de Francheville, avait planté dans cette propriété 20 000 mûriers mais cette expérience n'eut pas de suite. Le pavillon passa par héritage des Francheville au de Langlais puis aux de la Berriere de Saint Laon.

 

Avant le camping « Les Mouettes », le chemin du parking sur la droite va nous mener à Penvins. Nous traversons d'abord un grand champ, le lieu-dit le Vieil Hayo, qui est la partie sud du Grand Parc au bord des marais.

Puis nous arrivons à un pont sur une rivière venant du Poulhors qui se jette dans les marais. Ce pont est constitué de grandes dalles qui proviennent du mur du Grand Parc. Ce mur vient de notre droite, le long du marais et disparaît sur notre gauche dans les fourrés pour rejoindre plus au nord la D 198.

 

PENVINS

 

Nous venons donc de quitter le Grand Parc et nous sommes dans le quartier de Penvins que le duc Jean le Roux avait évité en 1250 car il y avait là, depuis longtemps, des moines d'un prieuré de Redon (dont nous connaissons l'existence grâce à une bulle du pape Eugène III en 1147) et sans doute quelques habitations autour.

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Avant d'arriver au bourg, un énorme chêne vert pluri centenaire, sur notre droite, donne un aperçu de ce que devait être la forêt de Rhuys autrefois. À l'endroit où notre route croise le chemin de Kercado, nous pouvons voir, sur notre gauche, un étranglement de la route entre deux maisons. Là se tenait une porte du Grand Parc, les deux maisons étant appuyées sur le mur.

 

 

Ce n'est qu'au xixe siècle que le Grand Parc a commencé à être envahi principalement avec la chapelle qui a remplacé celle de la côte venant d'être détruite par la mer (une autre a été reconstruite comme nous le verrons).

 

Sur notre droite, la petite mairie annexe rappelle qu'au xixe siècle Penvins, à l'instar du Tour-du-Parc et de Saint-Armel, a voulu se détacher de Sarzeau dont elle est distante de 7 km. Ce fut en vain. L'alignement de maisons à notre gauche est appuyé sur le Mur du Roy. La 6e et la 7e (nos 13-15) à partir de la porte avaient, en 1680, une étrange fonction : « la charge de conduire les criminels de Sarzeau jusqu'à Por en Houet ». Ce lieu est l'ancienne porte du Grand Parc sur la D 20 à la frontière de Sarzeau et Surzur. Que faisait-on des condamnés ? Ils étaient bannis ou plus sûrement pendus ? La maison était-elle à l'origine celle du bourreau ?

 

IMG_6115Arrivés à la route de la Grée Penvins, nous pouvons nous arrêter devant la gentilhommière de Kerampoul (village de l'étang). Ce manoir, non signalé dans le rentier de 1510, a dû être construit au moment des guerres de Religion. Au xviie siècle, il est la demeure du sénéchal de Rhuys, François CILLART qui a pour fils Claude-Vincent (1686-1749) auteur du 1er dictionnaire français-breton (dialecte de Vannes). Par le mariage de Perrine CILLART en 1688 avec Joseph LE GOUVELLO, la propriété passa dans cette famille qui obtint son classement (M.H.) au xxe siècle en même temps que Kerlevenant (voir circuit Saint-Colombier).

 

DES MÉGALITHES ET DES LÉGENDES

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Reprenons au nord le chemin du Mur du Roy, le bien nommé puisqu'il le longe pendant plus de 500 m. De l'autre côté du mur, la zone est classée espace remarquable selon la Loi Littoral. Cela préserve dans un champ plusieurs menhirs en quartz blanc malheureusement renversés (sauf un).

 

2015 02 19_Penvins_0030bisrNous atteignons le littoral près du restaurant le Mur du Roy. Belle vue en face sur la presqu'île Guérandaise et l'île Dumet. Le mur du Grand Parc, sur notre gauche, disparaît dans l'Océan en remontant vers la pointe de Becudo. Nous prenons le chemin côtier. Trois « pierres blanches », qui ne le sont plus vraiment, sont les restes dans les rochers d'un monument mégalithique qui, après 5 000 ans, a été rattrapé par la mer. À 600 m au sud, en pleine mer, la « truie » (gwiz en breton) est un autre mégalithe qui a peut-être donné son nom au secteur (Pen Gwis = la pointe de la truie). Pour d'autres, c'est la vigne, très présente au Moyen Âge, qui est la plus sûre étymologie (Pen Vinec = la pointe de la vigne).

 

Nous prenons à droite une route (chemin du Goh Lienn = vieil étang) qui nous mène à la Grée Penvins. Ce vieux village, à 5 m d'altitude, a dû être une solution de remplacement pour les habitants d'un premier village au niveau de la chapelle.

Nous arrivons à l'isthme de Penvins, un lieu qui a entraîné plusieurs légendes :

 

LE VIEIL ÉTANG : il y avait, entre le rocher de la Truie et la côte, un vieil étang (Coz Len dans le rentier de 1510). À l'époque de saint Gildas (vie siècle), des pirates y séjournaient. Saint Gildas provoqua une tempête de sable qui obstrua l'endroit où l'étang était relié à la mer. Tous les pirates furent ainsi pris au piège. Le chemin que nous avons pris pour arriver à La Grée Penvins rappelle l'existence de l'étang.

 

LE VILLAGE DE SAINT DEMETRIUS : il y avait un premier village de Penvins avec une église à l'endroit du rocher des Demoiselles (au sud-ouest de la chapelle). La subite remontée des eaux, vers l'an mil, contraignit les habitants de ce village (ainsi que ceux d'Ilur dans le Golfe) de se trouver un nouveau siège paroissial à 30 m d'altitude au centre de la Presqu'île. Ce sera Sarzeau. Ils prennent comme patron un saint fêté le même jour que saint Demetrius : saint Saturnin. Près des Demoiselles, on entend parfois sonner les cloches de l'ancienne église...

(L’érudit LUCO au xixe siècle a contribué au développement de cette thèse aujourd'hui totalement rejetée.)

 

LA CHAPELLE DE PENVINS

chapelle Penvins

Le site de la chapelle est très ancien puisqu'on y a trouvé des débris romains. Plusieurs chapelles se sont succédé avant celle-ci. Celle de 1500 était le lieu de culte des habitants de Penvins et du Tour-du-Parc. Une autre, construite vers 1650, rassemblait les frairies de Penvins et Landrezac. Celle-ci fut construite à la fin du xixe sous le ministère du recteur COSSE (qui figure sur le vitrail au-dessus de la porte d'entrée) et grâce à la générosité des habitants du quartier et particulièrement la famille de LANGLAIS.

Sur le vitrail central, on voit la Sainte Vierge, probablement accompagnée de saint Gildas, chasser les Anglais qui voulaient débarquer sur la côte de Penvins, à l'aide d'une quenouille. Il est vrai qu'au xviie siècle les Anglais étaient très souvent sur nos côtes et cette légende a – comme souvent – une base historique.

 

Cette chapelle n'était plus nécessaire puisqu'une autre avait été construite à 1,5 km au nord, en altitude. Il faut néanmoins reconnaître qu'elle reste un élément important du paysage de Rhuys.

Au sud de la chapelle, la jolie villa 1900 de M. ROBIN a totalement disparu à part un bout de mur. Il en est de même du fortin de garde côte, encore en bon état en 1900, à la pointe sud-ouest. On voit que la mer n'a pas encore fini son travail.

 

Faire le tour de la pointe de Penvins rajoute 1 km au circuit. Il permet, entre autres, de découvrir sur le côté sud des pierres rangées verticalement et qui sont une ancienne défense contre l'érosion marine, beaucoup moins voyante que les gros blocs que nous voyons aujourd'hui.

Avant de quitter la chapelle, une dernière histoire – vraie celle-ci – au sujet du départ des Allemands en 1944. Un gradé voulait faire sauter la chapelle. On lui expliqua que la Vierge l'avait toujours protégée d'un débarquement anglais. Dans le doute, l'officier préféra laisser la chapelle en l'état pour ne pas contrarier la Sainte Vierge.

 

LA PLAGE DES DÉBARQUEMENTS

 

La plage que nous allons longer maintenant jusqu'à Landrezac fait 5 km de long. Après La Baule, c'est la plus longue sur la côte sud de la Bretagne.

 

Les 2 km que nous allons parcourir dans un chemin IMG_6142sablonneux jusqu'au parking de Landrezac (où nous avons laissé notre véhicule) se trouvent dans une zone NS (Loi Littoral) totalement préservée qui s'enfonce dans les terres sur près d'1 km jusqu'à la D 198. C'est un « sanctuaire » pour la faune et la flore entre 2 zones très urbanisées.

On longe d'abord la plage et l'on voit des blockhaus, restes du Mur de l'Atlantique. Lorsqu'on arrive aux « algobox » (système expérimental de défense contre la mer), nous prenons, derrière la dune, le chemin du marais (GR 34). Selon l'état de la marée, deux solutions s'offrent à nous :

 

  • si la mer est descendante, on peut la longer jusqu'au parking en marchant sur le sable dur.

  • à marée montante, on continue le GR 34 jusqu'au parking.

     

         Cette plage, sans rocher, était propice aux débarquements et il y en eut plusieurs dans l'Histoire :

     

  • Nous sommes en 1355, en pleine guerre de Cent Ans ; la Bretagne est divisée entre un parti anglais autour de Jean de Montfort et un parti français autour de Jeanne de Penthièvre. Les Anglais débarquent à Suscinio et Yves de TROMIEL devient gouverneur du château. C'est ce parti qui l'emportera en Bretagne mettant sur le trône Jean IV (1364-1399) qui va fortifier le château.

     

  • Nous sommes en 1380. Les Espagnols alliés à la France débarquent sur notre côte pour destituer le duc Jean IV. Ils ravagent la Presqu'île. Le gouverneur Jean de MALESTROIT sort du château et chasse les Espagnols qui sont obligés de rembarquer.

     

  • Nous sommes en 1590, en pleine Guerres de Religion ; le roi du Portugal, chassé par les Espagnols, se réfugie à Suscinio. Les Espagnols débarquent sur la plage et demandent au gouverneur de MONTIGNY de le livrer. Finalement, le roi réussit à s'enfuir vers un château de la rivière d'Auray.

     

  • Nous sommes le 20 novembre 1759, dans la passe des Cardinaux, entre Hoëdic et Le Croisic. La flotte française du maréchal de Conflans est poursuivie par la flotte anglaise de l'amiral Hawck. Le « Soleil Royal » se saborde près du Croisic (un canon est exposé dans le jardin de la mairie).

    Des bateaux trouvent refuge dans l'estuaire de la Vilaine. Les autres font naufrage. Les corps sont jetés sur la côte et particulièrement sur cette plage. Le recteur de Sarzeau, Touzé de Grand L'Isle obtient l'autorisation de les inhumer dans le sable, là où ils ont été déposés par la mer.

     

  • Nous sommes en juillet 1795, des émigrés et des Chouans, conduits par le chevalier de Tinténiac, débarquent à Suscinio. Ils doivent prendre à revers les « bleus » de Hoche qui bloquent les royalistes (les « blancs ») dans la presqu'île de Quiberon. Tinténiac prend Suscinio, Sarzeau et Theix mais il est tué plus tard et son opération échoue.

     

  • Nous sommes en 1944, les alliés envisagent de débarquer sur la plage de Suscinio pour chasser les Allemands du réduit breton. Finalement, c'est la Normandie qui sera choisie.

     

  • Aujourd'hui, en arrivant à l'improviste sur la plage de Suscinio, sans avoir beaucoup vu des barrages sur votre route, vous pouvez vous trouver devant un véritable cauchemar : un débarquement sur la plage de Suscinio. Rassurez-vous, ce sont les manœuvres des militaires français, spectacle impressionnant auquel les habitants de Rhuys sont maintenant habitués.

 

 

Pierre Beunon

 

 

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